Interview

Des étudiants de l’UFR SLHS de Besançon m’ont contactée afin de me poser quelques questions concernant le métier de traducteur/trice. Étant issue de la même filière et de la même faculté qu’eux, j’ai été touchée qu’ils m’aient contactée et qu’ils m’aient fait confiance afin d’apporter des réponses à leurs questions. Voici donc une partie de cette interview (déroulée par e-mail, COVID-19 oblige).

Comment êtes-vous devenu traducteur, était-ce votre premier choix ?

Quand j’étais étudiante, je n’avais qu’une vague idée de ce que je souhaitais faire. Lors de ma deuxième année de master je suis allée en Écosse, dans une agence de traduction, non pas comme traductrice mais comme assistance de chef de projet.

Cependant, cela m’a permis d’être plongée dans le milieu, de mieux comprendre ce métier, ce rôle et ses enjeux. Je suis restée en contact avec cette agence de traduction, en tant que relectrice du chinois au français et cette expérience a été mon premier pas dans la traduction. Je me suis officiellement installée en tant que traductrice il y a quelques mois, en créant ma micro-entreprise.

Quelle a été votre formation professionnelle et qu’est-ce qui vous a été utile pour exercer ce métier ?

J’ai étudié à l’UFR SLHS pendant cinq ans. Trois ans de licence LLCER en anglais puis deux ans de master LEC. Les cours de traduction m’ont bien entendu aidée mais également les cours de grammaire. Je regrette une seule chose : qu’on ne parle pas plus de TAO (Traduction Assistée par Ordinateur). Dans les cours liés à la TAO, le sujet n’est pas approfondi en tant que tel : quel sera le plus utile ? Comment l’utiliser ?

Faites-vous des heures supplémentaires ? Est-on amené à en faire en exerçant ce métier ?

Si un projet dans lequel on s’est engagé est urgent, on est amené à faire des heures supplémentaires. Vu que je suis également formatrice, il m’arrive de travailler tout le week-end afin de livrer un projet en temps et en heure.

Que préférez-vous dans votre travail ? Y a-t-il des choses que vous appréciez moins ? (Si oui, lesquelles)

Le fait de savoir que j’aide des gens à comprendre un texte ou une idée. C’est super de savoir qu’on est utile à quelqu’un !

Utilisez-vous souvent les réseaux sociaux ?

Je m’y lance petit à petit. Tout d’abord, j’ai créé un compte LinkedIn. Pour le moment, je n’y publie pas grand-chose mais ça me permet d’être au courant de l’actualité et de tisser un réseau et des liens avec d’autres traducteurs. J’ai également créé un compte Instagram il y a peu et j’alimente petit à petit ma page. Les réseaux permettent de rester en contact avec les clients (potentiels) mais également de faire vivre le quotidien d’un traducteur.

Travaillez-vous seul ou avec d’autres traducteurs ?

Pour le moment, je travaille seule ; à l’avenir, peut-être que je travaillerai avec d’autres traducteurs.

Comment vous voyez-vous évoluer dans le futur ? Souhaitez-vous changer de branche ?

Je souhaite rester dans cette branche. La traduction peut être compliquée quand on se lance mais ça reste un domaine intéressant. On gère nos horaires et notre volume de travail, on est plus flexible et on ne rend pas de compte à un supérieur. De plus, on apprend tous les jours de nouvelles choses tout en rendant service aux autres.

Anglais/français : langues amies ou fausses-amies ?

En 2018, le français était la cinquième langue la plus parlée dans le monde, après le mandarin, l’anglais, l’espagnol et l’arabe. Il y avait alors près de 300 millions de locuteurs francophones dans le monde, soit une progression de 10 % depuis 2014 selon un rapport de l’Organisation internationale de la francophonie. Cette langue est cependant réputée être l’une des plus difficiles à apprendre, tant au niveau de la grammaire que de l’orthographe, et même de la prononciation ! L’anglais, au contraire, est réputé pour être une langue dite facile.

Lors de mon séjour sur l’île de Malte, où l’anglais est l’une des deux langues officielles (avec le maltais), j’ai eu l’opportunité de faire un petit tour de l’île en visite guidée. Mon guide, apprenant que j’étais française, n’a pas manqué de me faire remarquer que le français est une langue grammaticalement complexe. Pourtant, au bout de dix minutes, il est revenu sur ses paroles et trouvait de nombreuses similarités ! Le terme « melon » qui est exactement le même en anglais, « figue » qui devient « fig », « prune » qui devient « plum », et bien d’autres encore ! Deux langues alors similaires en bien des termes.

L’étymologie des mots joue bien sûr un rôle important. Nous pouvons nous pencher sur le terme susmentionné « figue ». Selon le TLFi (trésor de la langue française informatisé), il s’agit d’un « emprunt à l’ancien provençal figa, issu du latin classique ficus féminin « figue, figuier », devenu fica* en latin vulgaire d’après de nombreux noms de fruits en –a, d’où l’ancien français fie « figue ». » Dans ce cas-là, comme dans beaucoup d’autres, le latin est la source commune.

Plusieurs linguistes se sont déjà penchés sur la question de la ressemblance ou non-ressemblance de ces deux langues. D’après Éric Castagne (2008), « L’anglais et le français ne sont pas des langues ennemies comme on l’entend dire trop souvent. Du fait de leurs propriétés hybrides, héritées par des liens généalogiques et acquises par des contacts successifs, le français, la plus germanique des langues romanes, et l’anglais d’Europe, la plus romane des langues germaniques, peuvent jouer, chacune à leur tour, et en fonction des situations et de la langue maternelle des locuteurs, le rôle de passerelle de leur propre famille vers la famille voisine, et inversement. » Selon Éric Castagne, les similitudes de ces deux langues permettraient alors à l’étudiant d’apprendre plus facilement une langue tierce.

Cependant, des ressemblances ne veulent pas dire une corrélation en tout point. Qu’en est-il de ce qu’on appelle les faux-amis ? Eh bien, il en existerait environ un millier ! Il est à noter que l’on distingue deux types de faux-amis : les faux-amis complets et les faux amis partiels. Pour faire un point, il faut d’abord se pencher sur deux définitions : amis et faux-amis. Pour ce faire, j’emprunterai les définitions de Leila Caid (2008) :

« Un vrai ami total est un mot homophone/homographe entre deux langues ayant une origine commune et qui est resté semblable entre les deux langues pour toutes ses acceptions. Il s’agira d’un vrai ami partiel lorsque la paire de mots diffère pour un sens. Une paire de mots homophones/homographes qui n’a plus qu’une seule acception commune est un faux-ami partiel. Finalement lorsqu’ils ne sont qu’homophones/homographes et qu’ils n’ont aucun sens commun tout en ayant tout de même un étymon commun, il s’agira de faux-amis totaux. »

Selon Henriette Walter (2001), il y aurait 273 homographes « totalement faux amis », incluant, par exemple, le terme « chat » (félidé, en français ; bavardage, en anglais » ou encore le mot « chair » (la peau, en français ; la chaise, en anglais).

C’est donc bien des faux-amis (partiels ou totaux) dont il faut se méfier tant dans la vie courante que dans la traduction. Dans une brochure traduite trouvée à Malte, de l’anglais au français, j’ai eu l’occasion de trouver une erreur (due à « mauvaise » traduction ? une traduction automatique non relue ?). Le terme anglais « eventually » avait été traduit par « éventuellement », ce qui changeait totalement le sens de la phrase en question. Le site « BilingueAnglais.com » explique d’une façon claire ce faux-ami, je citerai donc leurs propos : « En français, le mot éventuellement veut dire que quelque chose peut arriver et dépend des circonstances, donc c’est une éventualité, possibilité, hypothèse. Par contre, en anglais le mot eventually signifie que quelque chose finira par arriver. » Une différence qui peut sembler minime mais qui change totalement le sens de la phrase. Dans la brochure mentionnée, il s’agissait d’un évènement qui s’était produit … et qui s’est donc transformé en évènement hypothétique, pouvant ainsi laisser le lecteur francophone interloqué.

Lors de l’apprentissage de la langue anglaise, il ne faut donc pas se réjouir d’avance lorsque l’on croise un mot dit également « transparent » ! En toute circonstance, lorsqu’on ne connaît pas un terme mais qu’il ressemble étrangement à celui d’une autre langue, il est préférable de vérifier plutôt que de commettre une erreur qui peut nuire au sens d’une traduction (ou d’une conversation).

P.S : La bonne nouvelle, Henriette Walter (2001) affirme avoir une liste de lexèmes « totalement bons amis », c’est-à-dire n’ayant que le ou les mêmes sens dans les deux langues. Et ceux-ci sont au nombre de 3 221 !

Bibliographie

Caid, Leila. « Les cognates français/anglais ». Éla. Études de linguistique appliquée. Numéro 149. 2008. Pages 65 à 76.

Castagne, Éric. « Les langues anglaise et française : amies ou ennemies ? ». Éla. Études de linguistique appliquée. Numéro 149. 2008. Pages 31 à 42.

Walter, Henriette. « Les « faux amis » anglais et l’autre côté du miroir ». Presses Universitaires de France | « La linguistique ». Volume 37. 2001. Pages 101 à 112.